Revenons en 1933
Charlotte ne croit plus que la haine puisse être passagère.
Il ne s’agit pas de quelques illuminés, mais de toute une nation.
Une meute assoiffée de violence dirige le pays.
Au début du mois d’avril s’organise le boycott des biens juifs.
Elle assiste au défilé dans la rue, au saccage des boutiques.
Qui achète chez un juif est un porc, lit-elle.
Les slogans sont scandés avec rage.
Peut-on imaginer la terreur de Charlotte.
On annonce sans cesse de nouvelles mesures humiliantes.
A l’école, il faut un certificat de naissance des grands-parents.
Certaines filles se découvrent une ascendance juive.
D’une seconde à l’autre, elles passent du côté des bannies.
Mauvais sang.
Certaines mères interdisent à leurs filles de fréquenter des juives.
Et si ça s’attrapait ?
D’autres s’indignent.
Il faut ‘unir et combattre les nazis, protestent-elles.
Mais il est dangereux de le dire.
Alors, on le dit de moins en moins fort.
Avant de se taire définitivement.
David Foenkinos
Charlotte
Gallimard. 2014

Charlotte Salomon; Autoportrait. Détail. 1940