C’est la mondialité qui incline notre idée de l’humain vers l’horizontale plénitude de ce qui vit sur cette terre. C’est elle qui tend à faire de cette humilité une fondation de partage, et de régulation par le partage qui n’est pas le “Marché”. Elle n’installe aucun de ces horizons économiques qui scellent et qui enferment pour nous marchandiser. Elle détache une constellation d’intuitions semblable à un envol d’images, claires, sombres, bien vertes, bien bleues, virevoltantes entre elles, porteuse de sentiments qui nous éveillent, de sentiments qui pensent, de sentiments qui créent, de sensations participantes et d’idées fulgurantes qui s’attirent, se repoussent, se traversent mutuellement, qui s’effusionnent ainsi…
Cette indéfinissable mise en relation avec le tout-vivant du monde nous émeut, nous affecte, comme auraient dit les philosophes. elle nous transforme lentement, sans but ni intention. Nous offre d’éprouver de plus humaines intensités. Nous anime d’autre chose que les lois du profit et de ses exclusions. Nous remplit en finale d’une éthique sans grande démonstration, juste soucieuse de beauté. Beauté de l’immobile. Beauté du rien. Beauté de l’inutile et du gratuit. Beauté du geste. Beauté de l’attitude. Beauté de la pensée. Beauté de chaque désir et des aspirations…de tout ce qui n’est pas du coffret des “pierreries glacées” !
Patrick Chamoiseau
Frères migrants
Seuil. 2017