Rhinoceros

BERENGER

Je me demande si moi-même j’existe !

JEAN, à Berenger
Vous n’existez pas, mon cher, parce que vous ne pensez pas ! Pensez, et vous serez

LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur

Autre syllogisme: tous les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc Socrate est un chat.

LE VIEUX MONSIEUR

Et il a quatre pattes. C’est vrai, j’ai un chat qui s’appelle Socrate.

LE LOGICIEN

Vous voyez…

JEAN, à Béranger

Vous êtes un farceur, dans le fond. Un menteur. Vous dites que la vie ne vous intéresse pas.Quelqu’un, cependant, vous intéresse!

JEAN

Votre petit camarade de bureau, qui vient de passer. Vous en êtes amoureux !

LE VIEUX MONSIEUR, au Logicien

Socrate était donc un chat !

LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur

La logique vient de nous le révéler

JEAN, à Béranger

Vous ne vouliez pas qu’elle vous voie, dans la triste état dans lequel vous vous trouviez. (Geste de Béranger) Cela prouve que tout ne vous est pas indifférent. Mais comment voulez-vous que Daisy soit séduite par un ivrogne ?

LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur

Revenons à nos chats

LE VIEUX MONSIEUR, au Logicien

Je vous écoute

BERENGER, à Jean

De toute façon, je crois qu’elle a déjà quelqu’un en vue.

JEAN, à Béranger

Qui donc ?

BERENGER

Dudard. Un collègue de bureau : licencié en droit, juriste, grand avenir dans la maison, de l’avenir dans le coeur de Daisy; je ne peux pas rivaliser avec lui.

LE LOGICIEN, au Vieux Monsieur

Le chat Isidore à quatre pattes

LE VIEUX MONSIEUR

Comment le savez-vous ?

C’est donné par hypothèse

Ionesco
Rhinocéros
Gallimard 1959 /Folio 1972 – Imprimerie Floch

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