Quel est ton secret Miles ?
Le secret de ton secret.
Cette façon de déposer tes notes sur le silence, en apesanteur, d’habiter le temps autrement, distancié et fusionnel – comme si tu cherchais à atteindre la source de la résonance.
Est-il possible d’attaquer chaque chorus comme une riposte aérienne, comme une réponse chaude et métallique au silence ?
Dans une évidence verticale : rien à déchiffrer, tout à défricher.
Une danse de la densité.
Souplesse et grandeur.
Quel est ton secret, Miles ? Dis-moi.
D’où te viens cette « science du retrait enchanté »?
Cette exaltation sereine, comme une accumulation de forces prêtes à distiller leurs éclairs ?
Comment as tu pu nous soulever autant hors de notre lieu ? Vers quelles transfigurations ?
Pas d’absolu sans vertige.
Néfertiti s’électrise en satin noir.
C’est la danse du pharaon.
Ton jeu est parfois si massif, si tangible qu’il semblerait que la lumière s’y love et ne veut plus s’en extraire…
Et pourtant, qui pourrait échapper à la constellation de tes voix ?
Pensée surnaturelle de chaque note (Ascenceur pour l’échaffaud), ralentis cristallins (Kind of blue), duende stratosphérique (Sketches of Spain), rafales d’imprévisible (In a silent way), bruissements hypnotiques de palétuviers (Bitches Brew), pulsations cadencées de la foule à travers New York (On the corner) – autant de spirales pour caresser l’infini.
Qui pourrait ne pas entendre celui que tu fus – qui ne fut que musique et toujours le sera ?
A fleur de son, avec un sens inimitable du flottement translucide.
Suscitant le désir du désir.
Un sentiment saisissant d’immensité.
Dis-moi, Miles, quel est ton secret ?
- Je ne croirai jamais à la mort
Zéno Bianu
D’un univers funambule
Lettre à Miles
Gallimard. 2017









