Quand les jours raccourcissent vraiment

Certains lundis de la toute fin novembre, ou du début de décembre, surtout lorsqu’on est célibataire, on a la sensation d’être dans le couloir de la mort. Les vacances d’été sont depuis longtemps oubliées, la nouvelle année est encore loin ; la proximité du néant est inhabituelle.

Paul avait toujours aimé ce moment de l’année où les jours raccourcissent vraiment, cette sensation d’une couverture qui monte peu à peu sur votre visage pour vous envelopper dans sa nuit.

Les feuilles d’automne jonchaient l’allée en couches de plus en plus denses, de plus en plus belles, et ils finirent par s’arrêter pour s’asseoir contre un arbre. Ce n’était pas encore tout à fait la saison de la mort, se dit Paul, les couleurs autour d’eux étaient trop chaudes, trop éblouissantes, il fallait attendre que les feuilles ternissent, se mélangent à un peu de boue, et aussi qu’il fasse plus froid, qu’on commence à ressentir tôt le matin, dans l’atmosphère, les prémices du long gel hivernal, mais tout ça aurait lieu dans quelques semaines, quelques jours …

Michel Houellebecq
Anéantir
Flammarion.2022

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