Polo Kouman

Je vois l’endroit de ta naissance, au bord de l’eau

Les vagues, toujours sur le point d’inonder le terrain. Ta dispute avec la lagune est vieille; celui qui vous séparera n’est pas encore né.

La pluie s’est ajoutée à la lagune, et le terrain où se tient tant bien que mal la bicoque de tes parents s’est affaissée un peu plus. Chaque saison de pluie, vous déménagiez.
Au même endroit…

Et puis il y avait les bulldozers…

Tu auras été le premier à comprendre la langue des bulldozers. Au milieu du saccage, il ne te voyaient jamais. Tu rejoignais ton antre secrète; tu te cachais à l’intérieur de toi. Grand dilemme, pour un bulldozer, de chasser une personne d’elle-même.

Henri-Michel Yéré
Polo kouman / Polo parle
(Côte d’Ivoire)
Editions d’en bas.2023

Texte en nouchi: parler populaire venu de la rue abidjanaise, basé sur des phrases ou des adjonctions de termes, empruntant autant aux différentes langues des ethnies d’Afrique de l’Ouest, aux ethnies ivoiriennes, mais aussi à l’anglais, l’espagnol et le français.

Je science coin où tu es né, près de l’eau là-bas.

Vague cherchait à sagba la terre. Ton gnaga avec lagune, c’est pas aujourd’hui; y a pas l’homme pour vous.

La pluie est venue prendre défense de lagune, pour sogho la terre où tes parents ont construit. Chaque saison de pluie, déménagement sur même terrain-là.

Je n’ai pas encore dit nom de Bulldozers…

C’est toi tu as vu clair en premier dans koumanli de bulldozers. Eux ils viennent pour casser seulement; mais toi seulement ils te trouvent pas. Tu es parti te cacher dans ton bacroch secret; tu t’es krou dans ton toi-même. Comment ils vont faire pour te dégager-là, ils n’ont pas encore trouvé pour dire.

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