Contre-vie

j’écris pour tuer le temps
les matins gris où tout crisse
dans la lumière dégueulasse
les après-midi encagés
parquet moulures
le cochon d’Inde
le poisson rouge

j’écris comme je marche
dans les rues au hasard
sur les sentiers à l’équerre
le long des façades
sous le ciel gorgé d’oiseaux
et passent les heures
prises dans les sables
en attendant
les grands marées
les mortes-eaux
un équinoxe

j’écris comme je fume
les yeux aux fenêtres
d’en face allumées
sur des vies de zinc
des visages bleutés
plus familiers que le mien
des gestes plus vrais
des mots plus sonores
dans la camisole
des doubles vitrages

j’écris pour tuer le temps
la vie qui me passe à côté
insaisissable
en attendant qu’advienne
qui se produise
je hais le silence
les molles pendules
le tombeau du sommeil
la douceur des murmures
les rires goutte à goutte
la joie parcimonieuse
le cœur confiné
volontaire étudié
personnel revendiqué
le soin qu’on prend replié

et que surtout rien ne transperce
que surtout rien
ne fissure

surtout que rien ne tremble
que rien ne contredise

Olivier Adam
Les autres n’ont pas besoin de savoir
Contre-vie
Editions Bruno Doucey .2023

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