ça y est
il est né
c’est trop tard il a déjà tout oublié
il a déjà écrit
le texte de sa vie
sur les parois d’un utérus complétement distendu
-tout est rentré dans l’ombre d’un corps autre que le sien
son corps à lui
n’a pas la parole
seulement le cri
pour faire entendre quoi ?
l’oubli de l’o
des rondeurs et des plis
il naît
que ça
pas plus
il nait
rien d’autre
et ça pourrait s’arrêter là
vivre vissé
au point de chut
au point qui clôt
une phrase inaudible
naître est
émettre
le signe
de vie
n’être que né
puis n’être plus
-pas plus que né
la vie a traversé
la vie a cru
bon d’être
et naître
est apparu
mais on pourrait en venir à manquer de vivre
vivre à travers
mais vivre quoi ?
d’organes à jour en passant par tissus
-l’issue
vivre est l’issue du naître
mais naître est sans issue
naître est une reptation
sans hasard une loi
comme la pomme
sur l’arbre de newton
on fait de la naissance
un sens unique
mais on naît bien des fois
on peut naître encore
remettre à jour
l’être
remettre à jour tout ce qui croit
et ce qui croit peut choir
les sols où l’être se sent seul
tout commence
rien n’a commencé
n’être est
une négation tronquée
naître et puis
n’être plus
naître à tout épuisé
et vivre
éviter de
n’être au monde
qu’une toute petite amande
Bien scindée
lisse en son seil
deux mondes joints l’amande
deux mondes séparés
n’être que deux
bien entourés
joindre nos carences
parallèles à l’être
cette ligne de rien que nous rasons comme un mur
alors que c’est
un précipice
né seul on né avec quelqu’un
on connaît donc
on est
et après les connaître
il faut encore
les reconnaître
à quels siens se vouer
te temps compte
le temps contient
tout ce qui est
qui voudrait être enfin
qui voulait reprendre au début
né sans lieu m ais avec un nom
né sans mot pour dire oui pour dire non
et puis réapprendre à prononcer son nom
à défaut de la vérité
né sans endroit
le sens échappe
hors de l’envers qui se retrousse
l’envers est le lieu dit
l’endroit où tout a commencé
tu ne sais plus comment c’était
on t’a dit
S’est enfui de l’enfoui
a glissé le long des plissés
basculé masculin
au travers des renverses
a franchi ce qui devait l’être
Te voilà légendé, les gens l’ont dit
naître dit que par l’autre
et vivre outre
n’être plus de ce monde
mais de l’autre
venir d’un lieu
que nul ne voit
naître sans voix
pas vu
la vie
que Le sang vienne
qu’il afflue
sans que jamais le sens ne se retrouve
cet espace qui s’ouvre n’est pas le monde
mais le nid
duquel on n’est
déjà plus
n’être au-dedans déjà
qu’un peu de vie
l’exil ne trompe pas
il sort, il est sorti.
n’être est l’humilité
d’un présent continu
ce qui t’étreint quand tu t’en vas
le dos tourné à l’origine
la langue tendue vers demain
ce qui vit dévie
puis devient
devine quoi
naissant, l”oubli
te fait né sens
né dans ce que l’oubli
te fait manquer de peu
bientôt tu manqueras de tout
la bouche forme un U
et dans les bras qui te reçoivent
parmi les voix qui t’encouragent
tu oublies l’origine
quelle liberté, crois-tu
mais ton corps souvent se souvient
que naître est inconnu
tu nais tu viens
tu te défais
et tout ce qu’il te reste à connaître
tu ne voulais pas rester
tu voulais naître
et le monde apparaît
tes yeux se sont d’abord ouverts dans le rouge
épais d’un corps chaud
et tu as vu la chair avant de voir la peau
le rêve du revers puis le réel endroit
où l’on veut te dresser
le verbe du revers, la réverbération
revenir à l’endroit où tout s’est renversé
un rêve creux
rêva d’alvéoles, de niches, d’aspérités
rêve de lèvres où se remettre
il n’ y a rien pour toi
là
à l’endroit
il y a l’endroit
et toi
tu n’as pas bougé tu es
laissé porter par le sort: sors
le corps dehors tes mots restent dedans naître l’a détroussé
Comment on fait pour tout sӎcroule!
Tout: l’édifice amoureux
de pierres mal conformées
de sentiments brutaux
L’équilibre impensable avec des milliers d’angles
et des courbes retorses et des élans-fusées
Comment quand tut prend le pas sur
ce que l’amour a l’air anguleux
ce que le désir a de vif a de bref a de griffes
Quand on travaille par contrainte
sourit pour ne pas étrangler
se tait plus que le silence ?
Ces jours où je rentre chez moi
avec des sacs pleins de silence
Comment on fait pour pas ?
Ces jours j’ai tellement attendu
que quand c’est survenu c’est plus moi.
Comment on s’extirpe des gravats quand tout déjà
s’est écroulé
s’est éboulé ?
J’ai coincé l’amour entre le pied et la main
l’amour tenait
maintenu piétiné
faute d’espace il tenait
faute de possible bascule
il tenait parce qu’il n’avait pluq
que ça à faire.
Et c’était vraiment triste mais même une larme n’aurait pas trouvé où échouer.
Même la pluie ne tombait plus, elle tapait aux fenêtres, on ne lui ouvrait pas, elle restait suspendue.
Quand tout tient parce que rien ne peut échouer comment on fait ?
Il est 5H32
c’est le solstice d’hiver
les premières fenêtres s’allument
le chat me regarde
dans ses yeux il n’y a rien d’autre que son regard.
Maintenant je veux voir.
Antoine Mouton
Poser Problème
Ed La Contre allée -Coll La Sentinelle. 2020









