Le verre brille sur le zinc de ce petit café
où s’échoue la nuit aux coins du jour
où parmi les foulards et les châles
Maints sanglots montent à la gorge du buveur
S’arrêtent et finissent en un éclat de rire
Le verre brille sur le zinc de ce petit café
Parce qu’une goutte encore tremble au fond
Une goutte rouge comme la pierre
Par le rubis sur l’ongle non
Mais un beau bijou quand même
Voilà l’heure où il ferait bon s’éveiller
voir s’éclaircir le matin
entendre un pas sur le trottoir
La première fenêtre s’ouvrir
Et des amis s’interpeller dans la rue
Mais tout de même c’est l’heure où il fait bon ne pas dormir
quitte à ne s’être pas couchée
quand on est jeune et plein de vie
Et qu’il n’y a ni nuit ni jour
Pour vivre et boire et pour dormir et pour chanter
Il fait bon être ceux-là
que vous entendez encore rire et s’interpeller
à l’aube quand vous vous réveillez
gens qui dormez gens au cœur tranquille
que l’on entend rire le jour quand il fait bon dormir
Robert Desnos
Marée basse
Destinée arbitraire / Youki 1930
Ed de Minuit. 1944
Robert Desnos et Youki