Je pense grenouille et, appliquée, je me déploie, mes jambes s’ouvrent – je m’étire, je pousse et je glisse. Je m’étire, je pousse et je glisse, et la force et la lenteur ensemble disent quelque chose de la justesse. Faire lentement pour faire juste, comme quand je parle je cherche le mot qui rarement me vient d’emblée, étirant souvent les silences comme on tire un fil de sucre brûlant jusqu’à ce qu’il froidisse et se brise. J’ai le besoin de cette justesse-là qui semble conduire au plus proche de soi, qui touche le cœur et colle tous les morceaux, alors on se sent un tout, un bloc, un morceau vivant jusqu’à la moelle. Ça pourrait ressembler à quelque chose de la vérité, à quelque chose de sa propre vérité, presque comme une certitude, peut-être la seule possible et défendable : ça toucherait du doigt qui on est exactement, justement, à ce moment-à, quand on se sent comme un bloc. Ça dit le vrai de l’instant, ça dit le vivant, comme il est, oui, à cette seconde-là précisément. Je ne sais pas s’il y a des mots justes pour ce que je veux dire.
Laurence Vilaine
La Grande Villa
Lecture musicale. Samedi 2 décembre 2017. Marseille. La Fabulerie
Voir aussi le teaser vidéo. www.la-marelle.org
Le texte de Laurence Vilaine, écrit à Marseille en juin 2015, invite le lecteur à la rejoindre dans la Grande Villa. Un lieu habité à un moment de doute, évoqué par des impressions que l’auteur (res)sent dans son corps, attentive aux imperceptibles changements de lumière, aux sons les plus ténus…
Ainsi se crée un univers auquel répond d’emblée la création musicale de Bijan Chemirani : la diversité des instruments, les inflexions de la voix de l’auteur, une évidente proximité artistique et sensible entre les deux artistes, font de cette lecture musicale un nouvel « objet » : il rend présente la Grande Villa, à la fois lieu réel et espace de l’imaginaire de chacun.
la Grande Villa : « Villa des auteurs »: l’appartement de résidence de La Marelle à la Friche la Belle de Mai.