L’aube est très fraîche. Elle incite à dormir encore un peu, à paresser sur la terre tiède et laisser les sons de la forêt éveiller les sens. Les soleil parvient tout juste à réchauffer les orteils, les chevilles et les jambes, hérissant les poils sur son passage en caressant la peau sans la brûler. Dans les arbres, des colonies d’oiseaux piaillent puis s’envolent. Le Grand ne dort plus mais à toujours les yeux fermés. Il veut prolonger la jouissance de ce demi-sommeil, laisser le ressac le ramener sur le rivage, car il le sait, le plaisir s’évanouira au moment précis où le ciel s’ouvrira au dessus de lui, quand les parois du puits l’encercleront de leur ombre lourde. Déterminé, il contracte les muscles oculaires et finit par ouvrir l’œil: l’écume de lumière matinale pénètre en lui et l’aveugle un instant lorsque son souffle brusque écarte les rideaux. Le monde tourne sur lui-même.
A côté, le lit de terre est défait. Il n’est pas encore très bien réveillé. Baille à nouveau. Quelque chose semble avoir changé. Ses paupières clignent. Il regarde autour de lui. Quelque chose a changé.
Le Petit n’est plus là
Ivan Repila
Le Puits
Ed Denoêl 2014, 10-18