Pour changer de voie, il faudrait au préalable changer notre façon de connaître et notre façon de penser – réductrice, disjonctive, compartimentée – pour un mode de pensée complexe qui relie, capable d’appréhender les phénomènes à la fois dans leur diversité et leur unité, ainsi que leur contextualité. Il faudrait cesser d’opposer croissance à décroissance mais déterminer ce qui devrait croître ( économie sociale et solidaire, agroécologie et agriculture fermière, économie de l’indispensable pour tous, production d’objets à l’obsolescence non programmée et non jetables, artisanat de réparation, commerces de proximité, etc.) et ce qui devrait décroître (économie du futile et de fausses vertus de rajeunissement et d’embellissement, alimentation industrialisée, production d’énergies polluantes, ventes d’armes à des puissances belliqueuses, etc.)
Il faudrait combiner le meilleur du développement techno-économique à l’enveloppement des populations au sein des solidarités traditionnelles et des protections sociales. Il faudrait opposer à la mondialisation, qui désertifie humainement et économiquement tant de territoires, la localisation, qui sauvegarde la vie des régions. En somme, plus il y a de mondial, plus il doit y avoir du local, et le local concerne évidemment les oasis de vie, qui elles-mêmes devraient être mondialement reliées.
Edgar Morin
La Fraternité – résister à la cruauté du monde
Actes Sud. 2019









