J’entendais mille voix mêlées,
A demi couché dans un bois
Dans cette humeur où des pensées
De bonheur font naître l’effroi.
La Nature à son bel ouvrage
Liait l’âme qui coule en moi ;
Et mon cœur déplorait l’outrage
De ce que l’homme a fait de soi.
Les pervenches sous la ramure
Couraient parmi les primevères ;
Oh oui, chaque fleur, j’en suis sûr,
Aime l’air qui la désaltère.
Les oiseaux jouaient, sautillant,
Leurs pensées, je ne saurais dire : –
Mais dans leur moindre mouvement
Passait un frisson de plaisir.
Les branches ouvraient à la brise
Leurs bourgeons pour mieux la saisir,
Et je dois croire, qu’on dise,
Qu’il y avait là du plaisir.
Si le ciel me donne le gage
Que la Nature a fait ce choix,
Ai-je tort de pleurer l’outrage
De ce que l’homme a fait de soi ?
William Wordsworth
Poèmes
Premiers jours de printemps
Gallimard. 2001









