Une désolation

Dans la mystique juive, à laquelle tu ne t’es jamais intéressé, et sans doute par ma faute, on dit qu’il faut agiter Dieu pour qu’il parvienne. Agiter Dieu.
Toi, mon petit, tu n’agites pas grand-chose, n’est-ce pas ?
Agiter Dieu.
Dieu n’existe pas mais on lui fait une place , on fait un petit pas en arrière pour qu’il parvienne au monde et tous les jours et plusieurs fois par jour pendant toute la vie. Il n’y a de réel qu’en soi. Il n’y a de réel qu’en sa volonté car le monde, le monde mon garçon, c’est ce que nous voulons impatiemment.
Et que veux-tu toi ? Que veux-tu mon fils ?
Mon fils ne veut ni bâtir, ni créer, ni inventer. Mon fils ne veut surtout pas changer l’ordre des choses. Mon fils veut être peinard.
A l’heure du tout est possible, à l’heure où j’aurais risqué ma peau pour tenir mon rang de vivant, mon fils veut le calme et la douceur, mon fils veut, dans la paix, panser ses minables plaies de l’âme. Moi dont l’unique terreur, sans cesse, fut la monotonie des jours,, moi qui ai poussé les battants de l’enfer pour fuit cet ennemi mortel, j’ai engendré un véliplanchiste.

 

Yasmina Reza
Une désolation
Ed. Albin Michel/ Gallimard. 1999

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