C’était sa dernière année au lycée, la dernière année qu’il passait à Montclair, New Jersey, la dernière année qu’il vivait sous le même toît que ses parents, la dernière année de la première partie de sa vie et maintenant qu’il se retrouvait seul, Ferguson portait sur son vieux monde familier un nouveau regard plus focalisé et plus intense car même s’il avait observé les gens et les lieux qu’il connaissait depuis quatorze ans, il avait l’impression qu’ils commençaient à disparaître à ses yeux, se dissolvant lentement comme l’image d’un Polaroïd se développant à rebours, qui au lieu de se développer irait dans le sens inverse, avec le contour des bâtiments qui deviendrait flou, les traits du visage de ses amis qui deviendraient moins nets et les couleurs vives qui s’affadiraient en rectangle blanc de néant.
Paul Auster
4321
Part. 4.1, p451
Actes Suds. 2018