Elvissa est la meilleure amie de Claire. Elles se sont rencontrées il y a quelques mois chez I. Magnin au comptoir Bijou et Bidules de Claire. Elvissa, malheureusement, n’est pas on vrai nom. Son vrai nom est Catherine. Je suis le créateur d’Elvissa, nom qui lui a collé à la peau la première fois que je m’en suis servi (pour son plus grand plaisir), un jour où Claire l’avait invitée à déjeuner. Je lui ai donné ce nom à cause de sa tête, trop grosse, anatomiquement disproportionnée, comme celle des femmes qui montrent les cadeaux dans les jeux télévisés. Cette tête est prise dans une coiffure Elvis-oïdale noir de jais, genre poupée Mattel, qui lui encadre le crâne comme une paire de guillemets. Elle n’est peut-être pas belle en soi, mais, comme la plupart des femmes à grands yeux, elle est attirante. Par ailleurs, bien qu’elle vive dans un désert, elle est pâle comme une crème de gruyère et mince comme un lévrier qui cavale derrière un lapin mécanique. Ce qui lui donne un petit air précancéreux.
Leurs trajectoires antérieures ont beau n’avoir aucun rapport, Claire et Elvissa ont pourtant un dénominateur commun – elles sont toutes les deux têtues, pleines d’une sainte curiosité, et plus important, elles ont toutes deux laissé une vie derrière elles et foncent droit devant pour s’en faire une nouvelle, au nom de l’aventure. Dans leur quête parallèle d’une vérité personnelle, elles se sont délibérément mises en marge de la société, et ça, je crois, ça demande du courage. C’est même plus difficile pour les femmes que pour les hommes.

Douglas Coupland
Génération X
Ed Robert Laffont. 1991