Telle est notre chance : avoir encore un peu de maîtrise. S’offrir une occasion à moindre coût de redécouvrir les bienfaits de la solidarité, des services publics, de l’Etat de droit et social combinés, articulés, alliés de toujours, qui ne sont rien l’un sans l’autre. Extrême chance, malgré l’ingratitude souvent témoignée ces derniers temps, la bêtise, la vue courte des stratégies néolibérales qui fantasment la toute-puissance illusoire de l’homo economicus dans sa version la plus radicale. C’est une répétition générale pour autre chose, et cela me glace le sang. Car la euxième crainte qui m’agite est celle de l’absence d’apprentissage et de transformation de nos modes de vie. Passer à côté de la chance, cela s’est vu tant de fois. Ne pas saisir le kairos, retourner à la condescendance meurtrière. Nous sommes nombreux à le craindre, mais il nous faudra être trés vigilants face à l’endormissement futur qui se profile, toutes les mauvaises raisons trouvées pour continuer comme avant, car nous serons dans une phase de récession économique et l’on nous expliquera qu’il n’est pas temps encore de faire autrement, qu’il y a le feu économique qu’il faut éteindre, et que celui-ci – ô délire – ne s’éteint qu’avec le poison inflammable, tant de fois dénoncé. Mais parions sur l’intelligence et la détermination à évoluer, parions sur une nouvelle coviction partagée : mieux vivre ensemble. Le confinement 3.0 a des vertus particulières : être dans la distance mais néanmoins connectés, et pour une fois les « deux minutes de la haine » orwelliennes, souvent banalisées ces derniers temps, se son calmées : les voix sont plus sereines, les réseaux sociaux servent à distribuer une information capable de ferrailler avec les fausses, les grandes institutions académiques tentent d’assurer la continuité ou le partage des enseignements, les médias font de même, les artistes se relaient pour proposer des accès culturels, l’école fait comme elle peut avec la faiblesse de son environnement numérique de travail – là, franchement, on ne va pas se mentir, va fallaoir vite monter en gamme, car c’est terrioblement pauvre, et cela ne peut perdurer. Mais globalement, ces premiers jours de confinement ne dessinent pas la victoire de l’immaturité, mais plutôt l’envie d’être résilients, d’apprendre, d’innover, de profilter de cette chance pour respecter autrui et les valeurs de responsabilité commune. Toute la question, maintenant, est celle de ladurabilité de la prise de conscience et de la volonté de faire autrement.
Cynthia Fleury
Tract de crise N°3. Gallimard
Répétition générale
19 mars 2020