Ils se donnent rendez-vous au sortir du virage, après Malmousque, quand la corniche réapparaît au dessus du littoral, voie rapide frayée entre terre et mer, lisière d’asphalte. Longue et mince, elle épouse la côte tout autant qu’elle contient la ville, en ceinture les excès, congestionnée aux heures de pointe, fluide la nuit -et lumineuse alors, son tracé fluorescent sinue dans les focales des satellites placés en orbite dans la stratosphère. Elle joue comme un seuil magnétique à la marge du continent, zone de contact et non frontière, puisqu’on la sait poreuse, percée de passages et d’escaliers qui montent vers les vieux quartiers, ou descendent vers les rochers. L’observant, on pense à un front déployé que la vie affecte de tous côtés, une ligne de fuite, planétaire, sans extrémités : on y est toujours au milieu de quelque chose, en plein dedans. C’est là que ça se passe et c’est là que nous sommes.
Maylis de Kerangal
Corniche Kennedy
Gallimard. 2008
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