La coque rongée et verdâtre
de la vieille felouque
repose sur le sable…
Sa voile déchirée semble rêver encore
au soleil, à la mer.
La mer bouillonne et chante…
La mer est un rêve sonore
sous le soleil d’avril.
La mer bouillonne et rit,
vagues bleues, écumes de lait et d’argent,
la mer bouillonne et rit
sous le ciel bleu.
La mer lactescente,
la mer rutilante,
qui fait rouler sur les lyres d’argent
ses rires bleus…
La mer rit et bouillonne !
L’air apparaît assoupi dans l’enchantement
du brouillard éclatant du soleil tout blanc.
La mouette palpite dans l’air assoupi,
et dans son vol lent et songeur
s’éloigne et se perd dans la brume du soleil.
.
Antonio Machado
XLIV
Solitudes, Galeries et autres poèmes.1899-1907
Poésie/ Gallimard
Préface de Claude Esteban
Il est des voix que la distance avive, arrache, dirait-on, aux milles échos momentanés du jour, pour nous les rendre plus poignantes, austères et comme énigmatiques dans le silence neuf où elles surgissent.
Poésie de l’ouvert, vouée aux landes et aux routes, dans la vacance ingouvernée du vent