La justesse du haïku (qui n’est nullement peinture exacte du réel, mais adéquation du signifiant et du signifié, suppression des marges, bavures et interstices qui d’ordinaire excèdent ou ajourent le rapport sémantique), cette justesse a évidemment quelque chose de musical (musique des sens, et non forcément des sons): le haïku a la pureté, la sphéricité et le vide même d’une note de musique; c’est peut-être pour cela qu’il se lit deux fois, en écho; ne dire qu’une fois cette parole exquise, ce serait attacher un sens à la surprise, à la pointe, à la soudaineté de la perfection; le dire plusieurs fois, ce serait postuler que le sens est à découvrir, simuler la profondeur; entre les deux, ni singulier ni profond, l’écho ne fait que tirer un trait sur la nullité du sens.
Roland Barthes
L’empire des signes. 1970