La voiture suivait une prairie. Si le ciel encore était sombre, au ras du sol dans l’herbe et les accidents de la glaise il faisait jour. La lumière glissait. Elle traversa la route. Silencieuse, elle se dressa de tous côtés.
Quelques arbres se succédèrent, dont le faîte se perdait dans la brume. Ils s’écartèrent. D’autres parurent plus loin, d’autres encore,, établis de toutes parts sur les pentes. Ce paysage successif qui se découvrait à lui-même semblait n’être qu’une parole, pour un instant encore gardée tue.
Puis la route s’engagea par lacets dans un cirque de briques rouges que chaque tournant parmi les arbres faisait plus nombreuses et plus belles, plus claires aussi avec le jour. Brusquement le site se déchira. et l’entière vallée apparut au pied de la voiture, la route au loin très mince et basse, et des villages parmi les vignes, dans le premier rayon de soleil.
Il atteignait un mur très blanc au voisinage du ciel.
Yves Bonnefoy
Rue Traversière / L’Ordalie
Mercure de France 1987