[…]
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La terre pourrit.
Les feux des lampes
font exploser sa croûte par une montagne d’ampoules ;
tremblant de l’agonie des villes,
les gens meurent
dans les trous de la pierre.
Les médecins
en ont tiré un
de son cercueil
pour comprendre ces pertes inouïes parmi les hommes ;
dans l’âme rongée,
microbe aux pattes d’or,
vibrionnait le rouble.
Dans toutes les directions,
pour exaspérer plus rapidement
la mort,
faisant bouillonner les hommes jusqu’au niveau des toîts,
les Diesels aux mille chevaux des coeurs des capitales
lançaient des wagons de sang infecté.
Vous, les tranquilles !
Vous n’en avez pas profité longtemps.
Tout de suite
le fer des rails a fait couler par sa veine
dans le hâle des campagnes l’épidémie des villes.
Là où chantaient les oiseaux, c’est maintenant des cliquetis d’assiettes.
Là où se trouvait une forêt profonde, l’endroit est devenu une Sodome aux cent maisons.
Faunes de six étages, les maisons publiques, l’une derrière l’autre,
se sont précipitées dans la danse.
Le soleil lève sa tête rousse
avec des traces d’ivresse collées sur sa bouche gonflée,
tout nu, il n’a pas la force de se retenir
et de ne pas
retourner dans le bouge des nuits.
Et la nuit, négresse vénale,
n’a pas le temps
de se coucher
pour se reposer
dans l’ombre,
que sur elle
un nouveau jour affamé
hisse son gros corps chauffé à blanc.
Écrasée contre les toits,
hurle
poignée d’étoiles !
Écarte-toi avec effroi, soir-ermite !
Allons !
Lançons contre les femelles
le souffle de nos narines,
rongées par les dents de la cocaïne.
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Vladimir Maïakoski
1893-1930
Anthologie / La guerre et le monde
Editions Textuel. 2004