Rue traversière

Au Mont Aso

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C’est comme si nous avions traversé à gué la terre entière, des vapeurs de l’aube à l’étoile; et entrions pieds nus dans un autre monde

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Des jardins, ceux que vous voyez dans nos temples: ces surfaces de sable gris, soigneusement ratissées, où ici et là ont été placés, avec un soin qui semble marquer un grand souci des structures, trois ou quatre rochers que des mousses légères ont effleurés à travers les siècles d’un feu comme endormi maintenant, comme végétant dans les creux. Ne vous en défendez pas ? Au premier regard vous avez cru, n’est-ce pas, que ce sable, c’était l’esprit, et ces pierres les mondes, qui flottent ici ou là, en effet, dans ce qu’on peut dire l’Absence. Mais non, ce sont les mots, dont nous haïssons la beauté. Ils sont là, puisqu’il en faut bien. Mais nous avons tout ce sable gris pour les tenir à distance.

 

Yves Bonnefoy
Rue traversière
et autres récits de rêve
Mercure de France 1987

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