I
Assis sous l’arbre blanc
Tu entends, au loin, crier les vents,
Tu vois là-haut des nuages muets
De grands brouillards s’envelopper ;
Tu vois en bas, par la vie désertés,
Prairies et bois comme entièrement rasés ; –
Autour de toi, l’hiver, en toi, l’hiver,
Et ton cœur qui en est gelé.
Soudain tombent en toi
De blanc flocons, et contrarié,
Déjà tu penses qu’un tourbillon de neige
L’arbre sur toi a déversé.
Mais ce n’est pas un tourbillon de neige,
Tu le remarques vite, joyeux et effrayé ;
Ce sont les fleurs odorantes du printemps
Qui te taquinent et te recouvrent.
Quel charme doux dont tu frissonnes !
L’hiver se transforme en mai,
La neige se métamorphose en fleurs
Et ton cœur de nouveau se prend à aimer.
1844
Heinrich Heine
Nouveaux poèmes – Nouveau printemps
Gallimard. 1998